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La chambre de l'Empereur

Après les salons, espaces de réception, on accède à la première des chambres à coucher de l'étage. La chambre dite de l'Empereur tire son nom de l'usage qu'en fit Napoléon III lors de ses séjours à Pau. La tradition y place également la chambre des souverains de Navarre, et même celle de Gaston Fébus au XIVe siècle. Complètement réaménagée pour l'un des princes de la famille royale sous la Monarchie de Juillet, cette chambre fut dotée sous le Second Empire du grand lit à baldaquin qui se trouvait dans la chambre contigüe, dite aujourd'hui de l'Impératrice. Au cramoisi des rideaux du lit répond celui des rideaux de croisée et des lambrequins des deux portes-fenêtres. On y retrouve le précieux damas de soie à motif de pampres, tissé en 1804 à Lyon par Camille Pernon, pour le trône du pape Pie VII au pavillon de Flore des Tuileries. Le damas des rideaux de croisée a été retissé dans les années 1950.

Les murs sont entièrement tendus de pièces de la tenture des Mois Lucas, comme au salon de réception. Ces scènes des plaisirs seigneuriaux et travaux agricoles jouissaient d'un grand succès auprès de l’aristocratie et la Manufacture royale des Gobelins produisit pas moins de douze tentures d’après les Mois originaux tissés à Bruxelles au XVIe siècle. Cette tenture originale appartenait aux collections royales. Elle était riche de fils d'or et d'argent. Cette richesse causa sa perte : elle fut brûlée en 1797 pour récupérer le métal précieux et n'est plus connue aujourd'hui que par les retissages ultérieurs.

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Dans la chambre de l'Empereur sont présentées quatre pièces appartenant à la deuxième tenture tissée en 1688-1689 par les Gobelins pour le roi Louis XIV. Les deux grandes tapisseries qui se trouvent derrière le lit sont les seules où figurent des scènes d'intérieur : Janvier Le Bal et Février Le jeu de cartes.
 

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Les deux autres pièces sont des fragments : Octobre, Les Vendanges et Avril, Le Concert champêtre.

Lors du remeublement du château de Pau au XIXe siècle, on n'hésita pas à découper de précieuses tapisseries de lisse datant du règne de Louis XIV pour les adapter au format des pans de murs auxquels on les destinait ! D'autres encore furent repliées pour être clouées sous les boiseries. Aussi un programme de restauration des tapisseries est-il engagé par l'établissement depuis de nombreuses années pour réparer les dégâts subis par ces pièces, avant une remise en place plus respectueuse de leur conservation. En janvier 2020, les deux fragments des Mois Lucas ont fait l'objet d'un accrochage sécurisé après plusieurs mois de restauration dans les ateliers de Wit près de Bruxelles.

Le mobilier de cette chambre, riche, nombreux et varié, garde une belle harmonie. Outre l'imposant lit à baldaquin, on notera le bel ensemble de sièges en noyer, de type hollandais, datant de la première moitié du XVIIe siècle. Chaises et fauteuils furent achetés dès 1835 pour le remeublement du château de Pau, alors même que les travaux de restauration du monument ne devaient être lancés que trois ans plus tard. Des meubles néo-gothiques, également acquis pour Pau, complètent l'ameublement : ainsi les deux tables de nuit et le prie-dieu achetés en 1841 à un ébéniste. Les  stalles et le grand coffre présentent des remontages réalisés au  XIXe siècle,  d'éléments plus anciens.

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Dans cet ensemble chargé, un meuble et un objet attirent les regards. Le premier est un "cabinet de voyage" dit aussi bargueňo. 
Datant du tout début du XVIIe siècle, ce meuble est caractéristique de la production de la ville de Bargas dans le sud de l'Espagne. Son nom vient de celui de cette ville. Affectant la forme d'un coffre, pourvu de poignées latérales permettant de le transporter, il se transforme en secrétaire grâce à l'abattant en façade. À l'intérieur, quatre petits coffrets et vingt-deux tiroirs, dont plusieurs à double fonds, permettaient de transporter en toute sécurité objets précieux, papiers et argent. Ce côté pratique se double d'un remarquable intérêt esthétique en raison de la finesse du travail du métal doré et de l'attention portée au décor intérieur : filets, plaques et colonnettes torses d'ivoire, poignées en forme de coquilles Saint-Jacques ornent les tiroirs et coffrets, le tout délicatement relevé de dorure et de traits au noir d'ivoire. Le "cabinet de voyage" a été surélevé au XIXe siècle par un piètement à colonnes torses spécialement construit à cet effet.

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Le bargueno a été acheté par la Couronne en 1839 à un marchand qui l'avait lui-même acquis à Malte. D'où les légendes qui abondent sur ce meuble remarquable au XIXe siècle : surnommé "coffre de Saint-Louis" ou "coffre de Jérusalem", il aurait, si l'on en croit les guides touristiques du XIXe siècle, été offert par le chef de la secte des Assassins, au roi Louis IX en Palestine au XIIIe siècle, avant d'être apporté à Malte par le grand maître de l'ordre de Malte. Cette légende ne repose sur aucun fondement historique, mais témoigne bien de la fascination exercée par ce meuble sur les visiteurs. Le bargueňo a fait l'objet d'une belle restauration par le C2RMF (Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France) en 2018 et 2019. Il a retrouvé sa place dans la chambre de l'Empereur au début de l'année 2020.

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Plus modeste dans ses dimensions, mais tout aussi étonnant, le petit coffret qui est présenté sur la table au centre de la chambre. Il a été acquis en 1841 pour le château de Pau, certainement parce qu'un médaillon à l'effigie d'Henri IV et la date de 1607 en ornaient le couvercle. Traditionnellement considéré comme un souvenir du règne d'Henri IV donc, ce coffret a dévoilé bien des secrets lors de sa récente restauration par Céline Girault, restauratrice d'objets d'art. Il est en effet typique de la production artisanale de la ville de Spa (Belgique), aux XVIIe et XVIIIe siècles, qui s'était fait une spécialité de ces petits objets en bois (tous types de boîtes, mais aussi brosses, soufflets, miroirs) richement décorés. Ce coffret en poirier, à pieds d'ébène, présente un beau décor de fleurs - tulipe, anémone, fritillaire, narcisse etc -  réalisé avec des incrustations de métal (étain, laiton) et de nacre rehaussée de cire colorée. Il date de la fin du XVIIe siècle. Le médaillon à l'effigie d'Henri IV est donc une transformation du début du XIXe siècle. D'autant plus que le profil gravé du roi est très proche d'un tableau du peintre François Gérard, L'entrée d'Henri IV à Paris, qui date de 1817... Mais la découverte la plus extraordinaire a été celle d'un décor peint à l'intérieur du coffret. Il était entièrement tendu, sans doute depuis les années 1830, d'une soie cramoisie. Après dépose du tissu très abîmé, un revêtement uni orangé, typique des productions spadoises a été révélé dans la partie inférieure et à l'intérieur du couvercle, une laque peinte représentant une scène de bataille, qui a fait l'objet d'une restauration spécifique par Anne Jacquin, spécialiste de cette technique.

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Le cabinet de l'empereur

Depuis la chambre, un étroit couloir permet d'accéder à un petit cabinet de travail dit de l'empereur, situé au coeur de la plus ancienne tour du château, la tour Mazères. Il est meublé d'un grand bureau à dessus de cuir rouge estampé et doré, livré en 1841, et d'un fauteuil signé Alexandre Louis Bellangé. D'étonnants sièges bas néo-gothiques ont été achetés pour le château de Pau sous la Monarchie de Juillet. Ils proviennent du manoir d'Alcide de Beauchesne au bois de Boulogne où ils meublaient un petit cabinet placé au sommet du donjon de cet extravagant château aujourd'hui disparu. Au-dessus d'une cheminée en bois de style néo-Renaissance, est accroché un miroir d'ébène au décor sculpté et gravé. Pittoresque mais fort peu accessible, ce cabinet n'est que rarement présenté au public et exclusivement en petits groupes.

L'antichambre de l'empereur

Deux grandes peintures de la fin du XVIIIe siècle ou tout début du XIXe sont présentées dans l'antichambre qui dessert les salons, la chambre de l'empereur et les appartements de l'impératrice et permet d'accéder à un escalier à vis du XVe siècle amenant aux différents étages.

Avec La Naissance de Louis XIII, Jean-Joseph Taillasson (1745-1809) a choisi de représenter un événement capital dans l'histoire d'Henri IV, la naissance du Dauphin, futur Louis XIII, à Fontainebleau le 21 septembre 1601. Cette naissance qui garantissait la stabilité dynastique après des décennies d'incertitudes et de troubles, affermit le règne du premier Bourbon. Le choix de ce thème par Taillasson pour son entrée à l'Académie royale de peinture et de sculpture en 1784, ne doit rien au hasard : la référence au glorieux aïeul du roi Louis XVI était d'habile politique, à une époque où la ferveur qui entourait le souvenir d’Henri IV était à son comble.

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Dans un registre plus enlevé et léger, Nicolas Antoine Taunay (1755-1830) représente Henri IV caracolant devant une dame à son balcon. Alors que le roi parade aux pieds d'une belle dame – peut-être, faut-il reconnaître ici la plus fameuse des maîtresses du Vert Galant, Gabrielle d'Estrées -, cette dernière désigne l'entrée de l'église toute proche. Le message est clair : pour accéder au cœur de la dame, le roi doit obligatoirement en passer par le mariage ! Ce tableau, qui date de la première décennie du XIXe siècle, a appartenu aux collections de Lucien Bonaparte, frère cadet de Napoléon Ier, grand collectionneur de peinture, de sculptures et d'antiquités.

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