France, dernier quart du XVIe siècle
Cette petite huile sur bois est l'une des peintures les plus emblématiques des collections henriciennes du château de Pau. C'est aussi une scène unique, qui a donné lieu à de multiples écrits. Sur l'interprétation de la peinture, il n'y a pas de doute : il s'agit d'une allégorie de la paix donnée au royaume de France par Henri IV, grâce au soutien de la Religion. Sur la datation du tableau, sur l'identité de l'artiste qui le peignit, sur la religion initialement représentée – Catholique ? Protestante ? -, sur le modèle féminin qui posa pour l'incarner, plusieurs hypothèses ont été émises.
Observons attentivement la peinture. Au centre d'un paysage peu identifiable, Henri IV, le visage émacié, fixe le spectateur d'un air grave. Il est représenté debout, en costume d'imperator romain. Sur ses épaules, flotte un long manteau fleurdelysé, retenu sur la poitrine par une broche d'or. Il est donc roi de France. Au-dessus de lui, sept angelots ou putti emportent dans les nues les armes du souverain : bouclier à tête de Méduse, gantelets, lance, casque à panache blanc, écharpe blanche, morceaux de cuirasse, épée dressée. Le roi guerrier est désarmé. Le message est clair : le temps des batailles est achevé, il doit laisser place à celui de la paix.
Henri IV est entouré de deux figures féminines. À sa droite, semblant accourir, les yeux levés vers lui, la main gauche sur le coeur, c'est la France. Le roi lui remet un rameau d'olivier, symbole de cette paix enfin retrouvée. A la gauche du souverain, une autre femme est assise. Un léger sourire aux lèvres, elle regarde calmement dans la même direction que lui et il a posé une main assurée sur son épaule. C'est la Religion qui sert ainsi d'appui au roi. On ne peut en douter. Elle en porte tous les attributs : sur les genoux, elle tient une Bible ouverte, sur laquelle est posé un calice surmonté d'une hostie ; dans sa main droite, est placé un crucifix.
Tout à la fois portrait royal et allégorie, ce tableau glorifie l'action d'Henri IV, roi de guerre devenu roi de paix pour le plus grand bien de son royaume. Des questions se posent toutefois sur sa datation et son auteur : on a pu rapprocher le visage du roi - ce visage long, émacié, à la barbiche pointue et au regard aigu - d'un portrait disparu, peint en 1587 par François II Bunel, et seulement connu par un dessin. Selon cette hypothèse, le tableau pourrait dater des toutes premières années du règne d'Henri IV, autour de 1590. La religion représentée serait donc la religion protestante, puisque le roi ne se convertit au catholicisme qu'en juillet 1593. L'idée est d'autant plus séduisante que les attributs indiscutablement catholiques de cette religion (calice, hostie, crucifix) sont des ajouts, certes très anciens, mais tout de même postérieurs de quelques années à la réalisation du tableau. D'autres éléments plaident toutefois pour une tout autre hypothèse et une datation un peu plus tardive : nous serions après 1593, dans la dernière décennie du XVIe siècle et la religion serait bien, dès l'origine, catholique. Les ajouts ne seraient là que pour rendre irréfutable son identification. C'est que l'on peut reconnaître en la figure féminine qui l'incarne les traits de la belle Gabrielle d'Estrées, maîtresse d'Henri IV, dont l'influence fut décisive dans la conversion du roi. La peinture serait donc à mettre en rapport avec la double action pacificatrice du souverain qui se concrétisa en 1598 par la paix de Vervins avec l'Espagne et par l'édit de Nantes.
Cette précieuse petite huile sur bois, avec tous ses mystères, peut être admirée dans le parcours de la visite, au second étage du musée national, dans le cabinet des peintures XVIe-XVIIe siècles, dit Cabinet Bourbon.