Spa (Belgique) XVIIe siècle
C'est en 1842 qu'est envoyé à Pau un "petit coffret en marqueterie d'étain et nacre sur bois d'ébène", dont l'intérieur est tendu de soie cramoisie. Estimé à la coquette somme de 264 francs, ce petit coffre est destiné à la chambre dite d'Henri d'Albret au premier étage du palais. L'attribution de ce précieux objet d'art au château de Pau alors en complète rénovation était justifiée par la présence, au centre du couvercle, d'un médaillon de laiton orné d'un buste d'Henri IV et portant la date gravée de 1607. Un tel coffret, au travail élégant et à l'effigie du roi de France et de Navarre, ne pouvait, pensait-on, qu'avoir appartenu au premier des Bourbons. De là à imaginer qu'il avait renfermé de somptueux bijoux ou des lettres d'amours du Vert galant, il n'y avait qu'un pas... qui fut souvent franchi par des commentateurs un peu trop enthousiastes !
Une nouvelle fois, la restauration de l'objet a permis de faire des découvertes étonnantes. En 2011 en effet, le coffret est confié par la conservation du musée national à Céline Girault, restauratrice spécialisée dans le domaine de la tabletterie : l'artisanat de la tabletterie consiste à fabriquer de petits objets soignés, tels des échiquiers, des articles pour fumeurs, des étuis ou coffrets, par découpage, montage, assemblage, marqueterie, incrustation etc.
La restauratrice fait immédiatement le rapprochement entre ce coffret et des objets similaires fabriqués à Spa, en Belgique, aux XVIIe et XVIIIe siècles : les matériaux employés (bois de poirier noirci et non ébène, étain ou laiton, nacre), les motifs du délicat décor floral réalisé en nacre rehaussée de cires colorées (tulipe, anémone, fritillaire, œillet, jonquille), comme l'organisation de ce décor autour d'un médaillon central sur le couvercle, sont autant de caractéristiques de ce centre de production.
Elle émet donc l'hypothèse que l'intérieur du couvercle doit s'orner d'un décor en laque, comme c'est souvent le cas pour les coffrets spadois. La soie anciennement tendue à l'intérieur du coffret en masquait l'intérieur depuis plus d'un siècle et demi. Il est décidé de l'enlever. Cette opération délicate était par ailleurs justifiée par le mauvais état du tissu, très fragile et très pâli, passé du cramoisi au rose pâle, et par l'importante oxydation des semences qui avaient été utilisées pour le fixer. Apparaît alors un petit tableau en laque imitant la laque de Chine. La scène représentée est celle d'une bataille dont les protagonistes semblent porter des costumes d'inspiration orientale. Coffret et tableau de laque sont ensuite soigneusement restaurés par Céline Girault et Anne Jacquin, spécialiste des objets et mobiliers en laque.
L'origine spadoise de ce coffret est donc confirmée. Or, on sait que la fabrication des "boîtes de Spa" n'est avérée qu'à partir de 1672 et que l'ajout de "vernis façon de la Chine" n'apparaît que plus tard encore, aux alentours de 1690... Comment dans ces conditions expliquer la présence du médaillon central à l'effigie d'Henri IV et la date de 1607 ? Sans doute faut-il y voir un habile remontage du début du XIXe siècle : le buste d'Henri IV n'est pas sans évoquer le visage du roi dans la monumentale Entrée d'Henri IV à Paris, présentée par le baron Gérard au Salon de 1817 et qui orne la galerie des Batailles de Versailles depuis 1837. Il est probable que l'incrustation du médaillon et la pose de la soie cramoisie aient été réalisées au même moment. Faut-il y voir l'oeuvre de l'antiquaire qui vendit ce coffret à la couronne ?
En 1855, la présence d'un petit décor de laque dans le couvercle était encore signalée dans l'inventaire des objets et mobiliers du palais impérial ; le souvenir devait ensuite s'en perdre. Quant à l'authenticité du médaillon, elle ne devait pas être mise en doute jusqu'aux dernières décennies du XXe siècle. La décision de restaurer ce coffret et le travail réalisé par les deux restauratrices ont permis de d'affiner et même de renouveler la connaissance que l'on en avait.