En novembre 2014, ont été restaurées deux importantes statues en carton-pierre, représentant Henri IV et son ministre et ami, Maximilien de Béthune, plus connu sous le nom de Sully. Ces grandes sculptures de presque deux mètres de haut ont été envoyées en 1842 pour orner le palais de Pau, alors en pleine rénovation, et placées au rez-de-chaussée, dans une petite salle à manger dite aussi des officiers de service.
L'originalité de ces sculptures ne réside pas tant dans la représentation, somme toute assez traditionnelle, du « couple » formé par le roi et son ministre des finances, que dans le choix de la technique et du matériau utilisés pour les réaliser : il s'agit en effet de statues fabriquées par estampage en carton-pierre - un mélange à base de carbonate de calcium et de colle animale, renforcé par de la toile de coton elle-même imbibée de colle -, le tout recouvert d'une patine imitant le bronze à la perfection. Le carton-pierre permettait ainsi de réaliser des ouvrages beaucoup moins onéreux que le bronze et plus légers que des épreuves en plâtre. Si son usage était très répandu dans la seconde moitié du XIXe siècle, en particulier sous le Second Empire pour les ornements et la décoration d’intérieur, il en existe peu d’exemples de ce format et de cette qualité. Ces deux statues en carton-pierre constituent donc un témoignage précieux pour l’histoire des collections et des techniques de création.
Techniques de fabrication
Les sculptures sont d’abord modelées dans de l’argile fraîche, puis les modèles réalisés sont moulés avec du plâtre, ce qui permet d’obtenir des moules à pièces (dits aussi à bon creux). Plusieurs élements, comme les bras et les jambes sont moulés à part pour des raisons techniques évidentes… On procède ensuite à la réalisation des épreuves en carton-pierre par estampage dans les moules à pièces : il s’agit d’appliquer au fond des moules plusieurs couches de carbonate de calcium mêlé à de la colle animale, puis de presser plusieurs épaisseurs de tissu lui-même encollé, ce qui permet de rigidifier l’ensemble. Après séchage et démoulage, les différents éléments sont assemblés et cloués autour d’une armature interne fabriquée en bois. Les traces laissées entre chaque pièce du moule sont ensuite arasées et masquées par une fine couche de préparation blanche, rendue presque invisible par la patine imitation bronze qui a été passée sur l’ensemble. Les épées sont en bois, tout comme les socles des statues.
Problèmes de conservation
Les deux œuvres ne présentaient pas de problèmes de conservation dramatiques. Toutefois, on a pu constater quelques altérations inesthétiques, et pouvant, sur le long terme, mettre les sculptures en danger. C’est ainsi qu'un empoussièrement et un encrassement importants étaient devenus impossibles à éliminer lors du dépoussiérage régulier réalisé en interne : la poussière s’était en effet accumulée dans tous les creux (plis des drapés et des ornements décoratifs, boucles des cheveux etc.) et avait formé des dépôts tenaces pouvant favoriser le développement de moisissures. Les deux oeuvres présentaient par ailleurs des fissures et fentes, localisées notamment le long des coutures et autour des zones d’assemblages, qui sont des points de fragilité. Les nombreux petits clous métalliques utilisés pour le montage des pièces étaient parfois oxydés, entraînant par endroits un éclatement de matière et créant de petits réseaux de fissurations. Les dommages les plus visibles (mais pas forcément les plus dangereux pour les œuvres) consistaient en de petits éclats de patine, par exemple sur la botte d’Henri IV ou de petites lacunes, tels les livres au pied de Sully. Enfin, le dos des sculptures qui n’avait pas été verni était privé d’une protection et contrastait fortement avec la face.
Traitement de conservation-restauration
Claire Bréda et Hélène Bluza, deux restauratrices spécialisées dans le domaine des sculptures, sont donc intervenues sur place pendant presque dix jours à la fin de l'année 2014 pour remédier à ces problèmes et rendre toute leur beauté à ces œuvres. Après avoir réalisé un dépoussiérage minutieux, avec pinceaux doux, chiffons micro-fibres et kit de micro-aspiration, elles ont nettoyé les statues. Pour cela, elles ont dû combiner plusieurs méthodes selon les surfaces à traiter, utilisant tour à tour le pinceau pour déloger les amas de poussière incrustés dans les creux, des bâtonnets de coton légèrement imbibés d’un mélange adapté au matériau, des chiffons micro-fibres humidifiés de la même solution et des éponges gommantes très douces. Après la « toilette » des sculptures, elles ont consolidé les fissures et refixé les soulèvements, à la seringue ou au pinceau, puis comblé ou restitué les manques. Enfin, vernis et couleurs ont permis de retoucher ces lacunes, de raviver les zones de matitié et de protéger la surface patinée, notamment au revers.
Un travail méticuleux qui a été mené sous l’œil du public ravi et a permis de remettre en place ces belles œuvres.