Le salon de famille
Une tonalité très Second Empire
Parmi les salons du premier étage Sud, le troisième, dit salon de famille, a une tonalité originale. Destiné au XIXe siècle à l'usage exclusif des souverains et de leurs proches, elle est la seule salle du château fortement marquée par le goût du Second Empire. C'est sous Napoléon III en effet que furent envoyés les sièges qui constituent l’essentiel du mobilier. Surtout, à partir de 1857, les murs, porte-fenêtres et meubles furent entièrement tendus d’un velours de Gênes cramoisi à motif d'arabesque, fleurette et corne d'abondance, en remplacement du damas de soie jaune choisi sous la Monarchie de Juillet lors de l’aménagement du salon. Ce somptueux velours avait été tissé pour la salle du trône de Versailles en 1811-1812, sous le règne de Napoléon Ier et fut donc réemployé à Pau sous le Second Empire. Très abîmé, il dut être retissé dans les années 1950, mais on retrouve le tissu d’origine sur plusieurs sièges et surtout sur les lambrequins des rideaux de croisée.
Le buste en plâtre de Napoléon III placé sur la cheminée rappelle l'importance de ce souverain dans l'histoire du palais de Pau puisque les travaux de restauration qui donnèrent au château sa physionomie actuelle furent d’une grande ampleur sous son règne. Napoléon III, contrairement à Louis Philippe, vint à trois reprises à Pau. Sa visite fut impatiemment attendue dès 1853 et c'est cette année-là que l'intendant du palais impérial fit venir de Paris plusieurs bustes en plâtre de l'empereur et de l'impératrice Eugénie. Mais la première visite n'eut lieu qu'en 1854 : l'empereur resta au palais de Pau du 21 au 25 août avant de se rendre à Biarritz. Les autres visites devaient être plus rapides : Napoléon III est présent au château les 26 septembre 1863, 16 et 17 septembre 1868 pour prendre connaissance de l'avancement des travaux de rénovation, travaux qui n’étaient pas achevés à la chute du Second Empire en 1870.
L'empreinte d'Henri IV
Marquée par l'empreinte de Napoléon III, cette petite salle l'est également par le souvenir d'Henri IV. Il est probable en effet que ce soit dans cette pièce qu’ait vu le jour le futur roi de France et de Navarre en 1553. Mais lorsqu'ils recréèrent une chambre natale d'Henri IV, les architectes de la Monarchie de Juillet préférèrent retenir une autre hypothèse, celle d'une pièce du 2e étage. Toutefois, bien des éléments du décor renvoient à la Renaissance, époque glorieuse du château : la cheminée néo-Renaissance, le lustre de Chaumont et Marquis et les bras de lumière à caryatides livrés par Feuchère, la console en acajou, à pieds tournés et tête de chimère.
Sous le Second Empire, l'histoire et la légende du roi Bourbon furent évoquées dans cette salle par deux tableaux, envoyés à Pau pour orner les murs de ce petit salon : une grande peinture d'Eugène Giraud, Henri IV dans la tour de Saint-Germain, actuellement en réserve et L'Assassinat d'Henri IV de Gustave Housez.
Présentée au Salon de 1860, l'œuvre de Housez est la seule représentation peinte de l'événement du 14 mai 1610 : l'assassinat d'Henri IV par François Ravaillac, à Paris, rue de la Ferronnerie. Très précis dans les détails - la couleur verte de l'habit de Ravaillac, la représentation du carrosse, la charrette de foin qui barre l'étroite rue parisienne -, ce tableau n’est pas dénué de contenu politique. Il est en effet un écho de l'attentat perpétré le 14 janvier 1858 par Felice Orsini, révolutionnaire et patriote italien, contre Napoléon III, auquel il reprochait d’entraver l’unité italienne.
Un décor à la fois éclectique et confortable
L’important ensemble de sièges - divan, fauteuils et chaises assortis, deux fauteuils confortables estampillés Jeanselme et leurs tabourets de pied – livrés en 1856, est complété au début du Second Empire de meubles et objets d’art d’une grande variété. Certains ne sont plus présents dans les collections du musée national : ainsi un clavecin français du XVIIIe siècle, faussement attribué au facteur anversois Hans Ruckers, a fait retour au Mobilier impérial dès 1862 et est aujourd’hui conservé au musée de la Musique à Paris.
Mais on peut toujours admirer une précieuse travailleuse (ou table à ouvrage) en laque de Chine d’époque Qing (fin XVIIIe-déb. XIXe siècle) avec tous ses objets de couture en ivoire, qui fut envoyée au palais de Pau en 1856 en même temps que les sièges. Récemment, un billard à marqueterie de bois clairs (France ou Espagne, 1830-1840) a été placé dans ce salon grâce au don d’un particulier. Il y avait en effet deux billards au château de Pau sous le Second Empire, mais aucun n’avait été conservé. Ce don généreux a permis de compenser cette lacune.
Sur la console, deux majoliques palermitaines, anciens pots à pharmacie des années 1610-1620, et une pendule religieuse de la première moitié du XVIIe siècle complètent le décor. L’ensemble, auquel le tissu donne son homogénéité, témoigne de la vocation de ce salon, un espace de détente confortable, réservé aux souverains et à leurs intimes.