Salle Marquet de Vasselot
Portraits d’un roi
Comme le petit cabinet précédent, cette grande salle qui constituait l'appartement du Commandant militaire au XIXe siècle, conserve encore quelques traits de l’ancien palais des rois de Navarre : motif rentrant de la tourelle d’escalier et traces du XVe siècle finissant (profils de certaines portes). Des éléments importants des richesses d’art envoyées pour remeubler le château sous la Monarchie de Juillet et le Second Empire rappellent le caractère exceptionnel de ce mobilier.
On notera ainsi les deux grandes majoliques italiennes du XVIIe siècle à motifs bibliques : Moïse et David sur l’une, Amos et Jonas sur l’autre.
Est également présenté un bureau Mazarin qui témoigne du remarquable travail de la marqueterie en France à la fin du règne de Louis XIV. Au-dessus est accroché un miroir aux angelots en bois doré (France, XVIIIe siècle), acquis par le musée dans les années 1960. Son motif de marguerites reflète un discret hommage à la reine de Navarre qui marqua le château de Pau de son empreinte dans les années 1530.
Le nom de la salle lui a été donné en souvenir de Jean-Joseph Marquet de Vasselot, conservateur au musée du Louvre puis directeur du musée de Cluny, qui dans les premières années du XXe siècle veilla sur les destinées du palais de Pau avant que ce monument ne devienne musée national à part entière.
L’ensemble d’œuvres des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles présentées dans cette salle se rapporte à la figure et à l’histoire d’Henri IV, après son accession au trône de France (2 août 1589). Dans une France marquée par la Renaissance tardive et les premiers feux du Baroque, le portrait officiel fait apparaître le roi Bourbon dans toute sa gloire de pacificateur, de restaurateur de la prospérité, de fondateur d’une nouvelle branche dynastique. Peintres, sculpteurs et médailleurs suivent les codes de la mythologie, mais affichent aussi une ambition nouvelle d’authenticité historique en s’attachant à l’illustration d’une figure dans la réalité de ses actes.
Trois portraits dominent la présentation. Henri IV dit « en Mars », attribué au peintre protestant Jacob Bunel (1558-1614), fait du souverain un imperator triomphant – rose soutenu de la cuirasse, couronne de lauriers - écrasant les armes de ses ennemis vaincus. Cette grande huile sur toile daterait des années 1605-1606 et serait à rattacher à la commande passée par Marie de Médicis, seconde épouse du roi, pour la décoration de la chambre de la reine au palais du Louvre.
Le second tableau, monumental portrait équestre du roi, fut probablement exécuté en 1611 par Guillaume Heaulmé, peintre du connétable Henri de Montmorency pour la décoration de la galerie du Petit Château de Chantilly. Le souverain y est représenté en écuyer portant la baguette d’équitation, en dehors de tout code du portrait officiel. De récentes recherches ont permis de montrer que cette huile sur toile appartenait aux collections de la famille italienne des Frangipane, dès le deuxième quart du XVIIe siècle.
Plus modeste par ses dimensions, l’huile sur toile Henri IV en pied est l’oeuvre de Franz Pourbus le jeune (1569-1622), qui fixa durablement le type du portrait d’apparat officiel. On connait plusieurs versions de ce portrait réalisé à la cour de France vers 1609-1610 et qui constitue l'un des derniers exécutés du vivant du monarque. Pourbus avait été appelé à Paris par Marie de Médicis, alors qu’il était attaché à la cour de Mantoue, dont la duchesse Eléonore était la propre sœur de la reine de France.
Ces portraits d’Henri IV sont complétés par une Allégorie de la France, huile sur toile anonyme (Allemagne du Sud ou Bohème) datant du 1er tiers du XVIIe siècle. La France y est représentée par Henri IV et Marie de Médicis, entourés de tous les symboles de la guerre et de la paix associée aux arts.
Enfin, Henri IV et le cardinal Alexandre de Médicis, attribué à François Quesnel (v. 1543-1619) et exécuté vers 1613 met en scène une subtile politique internationale. Commandé par Marie de Médicis, peu de temps après l’assassinat d’Henri IV, cette huile sur toile exalte habilement le rôle essentiel joué par le cardinal Alexandre de Médicis, futur pape Léon XI, dans la réconciliation du roi de France avec l’Église.
La peinture n’est pas seule visée par ce panorama des arts et de la propagande autour d’Henri IV. La diffusion de l’image du souverain, associée à celles de la reine Marie de Médicis et de leur fils, le Dauphin, futur Louis XIII, né en 1601, suscite la pratique de la sculpture monumentale, du petit bronze et de la médaille.
C’est au sculpteur Mathieu Jacquet (1545-1613) qu’est attribué l’élégant relief en marbre Portrait équestre d’Henri IV en empereur romain (1er tiers du XVIIe s.).
Le sculpteur du roi Barthélemy Prieur (1536-1611), qui s’était fait une spécialité des petits bronzes destinés à orner les cabinets des hauts personnages, est représenté par plusieurs œuvres : Buste de la Navarre (dépôt du musée des Beaux-Arts de Chartres), Henri IV terrassant ses ennemis, petits bustes d’Henri IV et de Marie de Médicis. Les deux statuettes en pendant, Henri IV et Marie de Médicis en pied, sont des fontes du XIXe siècle d’après le grand sculpteur et médailleur Guillaume Dupré (v. 1576-1643).
Plusieurs médailles figurent également en vitrines, exaltant et diffusant la figure et l’action du roi. Du même Guillaume Dupré, on remarquera une médaille en argent qui commémore la restitution du marquisat de Saluces par le duc de Savoie (Traité de Paris, 7 février 1600). Son revers est orné d’une représentation du roi en Hercule portant la massue et la peau du lion de Némée. Le médailleur Nicolas Guinier exécuta une médaille ovale en bronze patiné dont le revers montre le roi sous les traits de Mars terrassant un centaure (1601). Ces deux médailles illustrent la propagande royale dans le conflit opposant Henri IV au duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier, conflit qui s’acheva par le traité de Lyon (17 janvier 1601).
Un jeu d’échecs et de jacquet (France, fin du XVIe s.) porte le chiffre du roi (H). Objet ayant appartenu à Henri IV ou destiné à servir de présent diplomatique ? Il s’agit en tout cas d’un superbe témoignage de l’art des tabletiers parisiens, avec ses motifs d’incrustations d’ivoire, de nacre et de bois teint en vert. Il a appartenu aux collections du Musée des souverains sous le Second Empire.
On notera enfin un grand portrait en pied de la comtesse de Guiche, Corisande d’Andoins, appartenant à la collection Gramont. Sur cette huile sur toile attribuée au peintre espagnol Juan Pantoja de La Cruz (1553-1608), la comtesse de Guiche est représentée avec sa fille Catherine, vêtues à l'espagnole. Diane d'Andoins adopta le prénom de Corisande, en référence à un personnage du roman chevaleresque L'Amadis de Gaule. Grande lettrée, elle fut l'amie de de Michel de Montaigne qui lui dédia les 29 Sonnets d'Etienne de La Boëtie insérés dans ses Essais. Très proche de Catherine de Bourbon, sœur d'Henri de Navarre, elle devint la maîtresse de ce dernier en 1583, le soutenant et l'assistant dans ses combats, allant jusqu’à lever des troupes pour lui venir en aide. En octobre 1587, après la victoire de Coutras, c'est à ses pieds, au château d'Hagetmau, qu'il vint déposer les drapeaux pris à l'ennemi. Mais, si leur liaison devait durer jusqu'au début des années 1590, elle n'était plus alors qu'épistolaire, le nouveau roi de France, très inconstant, s'étant tourné vers d'autres amours.