Le Cabinet Bourbon
Jeunesse d’Henri IV et conquête du royaume de France au temps des guerres de Religion
Ce petit cabinet auquel on accède par un escalier à vis du XVe siècle a gardé des éléments d'architecture antérieurs aux rénovations de la Monarchie de Juillet : portes surbaissées, coussièges (banquettes de pierre de part et d'autre de la fenêtre). Au XIXe siècle, il faisait partie, avec la salle suivante, des appartements du commandant militaire du château. Son mobilier n'a pas été restitué pour permettre la présentation d'un ensemble de peintures des XVIe-XVIIe siècles, évoquant la jeunesse d'Henri IV et la difficile pacification du royaume de France dans le contexte des guerres de Religion.
Henri de Navarre, né au château de Pau le 13 décembre 1553, subit la double influence de sa mère, Jeanne d’Albret, reine de Navarre, résolument protestante, et de son père, Antoine de Bourbon, premier prince du sang, qui mourra à la tête des armées catholiques en 1562. Ce qu’il reste du royaume de Navarre au nord des Pyrénées, ainsi que le Béarn souverain, l’un et l’autre compris dans les domaines de Jeanne d'Albret, vivent alors dans une tradition d’indépendance. Quelques mois après la mort de la reine de Navarre, les noces d’Henri de Navarre et de Marguerite de Valois, célébrées en grande pompe le 22 août 1572 à Paris, devaient être un gage de paix religieuse entre catholiques et protestants, mais furent suivies des terribles massacres de la Saint-Barthélemy qui ensanglantèrent le royaume à partir du 24 août. Devenu en 1584 l'héritier présomptif de la couronne de France, Henri recueillit à la mort d’Henri III (2 août 1589) un royaume en pleine anarchie. Il lui faut combattre (batailles d’Arques, septembre 1589 et d’Ivry, 14 mars 1590), négocier, se convertir au catholicisme (25 juillet 1593), recevoir l’onction du sacre à Chartres (27 février 1594) avant de pouvoir entrer dans Paris (22 mars 1594) et pacifier le pays (avril et 2 mai 1598 : édit de Nantes établissant la liberté religieuse ; paix de Vervins mettant fin à la guerre avec l’Espagne).
L’art du portrait fait apparaître quelques figures essentielles de ce parcours.
Un portrait dit d'Henri IV enfant montre le jeune prince enfant somptueusement vêtu de rouge, portant épée et dague au côté et le cou ceint d'un lourd médaillon d'or. A ses pieds, une boussole et une carte évoquent sa solide éducation. Ce tableau, très retouché appartint aux collections de Louis-Philippe au château d'Eu.
Le portrait d'Antoine de Bourbon (1518-1562), huile sur bois, provenant de l’atelier de François Clouet porte la date de 1557. Il témoigne de son art sobre et raffiné qui compose le portrait incisif et élégant du premier prince du sang, père du futur roi de France et de Navarre.
Celui de Catherine de Médicis (1519-1589), présente la mère des derniers rois Valois, en veuve. Il s'agit d'une huile sur bois peinte d’après un portrait dessiné par François Clouet vers 1560.
Les guerres de Religion entretiennent une double confrontation, militaire et idéologique. En témoigne La procession de la ligue (huile sur toile, fin du XVIe siècle) représentant la procession conduite en 1590 ou 1593, dans les rues de Paris par Guillaume Rose, recteur de l'Université. Il s'agissait d'une véritable démonstration de force contre Henri IV, dont les ligueurs, des ultra-catholiques, niaient la légitimité. Cette iconographie, qui montre des hommes de Dieu maniant les armes et jouant maladroitement aux soldats, a été diffusée en milieu protestant, par la Satyre Ménippée, un pamphlet favorable au roi (1593). On connaît plusieurs versions de cette scène peinte.
Une série composite d’huiles sur bois datant du premier quart du XVIIe siècle retient la bravoure et l’habileté militaire d’Henri IV. Henri IV à la bataille d’Arques (septembre 1589), Henri IV assiégeant Paris (1590), La bataille de Fontaine-Française (juin 1595) sont autant de scènes qui entretiennent le souvenir d'un roi vaillant, n'hésitant pas à combattre à la tête de ses troupes, tout en faisant preuve de pitié à l'égard des parisiens affamés, alors même qu'ils lui refusent obstinément l'entrée dans sa capitale. Y sont associées deux médailles des Danfries, père et fils, commémorant ces événements cruciaux du règne d'Henri IV que furent l’entrée du roi dans Paris après son sacre (argent doré, 1594) et la paix de Vervins conclue avec l'Espagne sous les auspices du pape Clément VIII (bronze doré, 1598).
Enfin, une petite huile sur panneau des dernières années du XVIe siècle attire les regards. Henri IV y est représenté à l'antique, portant le manteau semé de fleurs de lys, entre deux personnages féminins. D'une main il s'appuie sur l'épaule d'une femme assise, de l'autre il tend un rameau d'olivier à une femme qui accourt vers lui. Identifiée comme la représentation d'Henri IV s’appuyant sur la Religion pour donner la paix à la France, cette allégorie mêle les éléments d’un double portrait à un contenu politique très élaboré. Portrait d'un roi au visage marqué par des années de combats, portrait de la maîtresse royale Gabrielle d'Estrées qui eut une grande influence dans la décision de l'abjuration. Allégorie du retour à la paix avec les putti enlevant dans les nues la cuirasse et les armes du roi et avec la France à bout de souffle saisissant le rameau d'olivier.