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Peinture

Henri IV caracolant devant une dame

La légende d'Henri IV a revêtu bien des aspects au fil des siècles : roi guerrier, roi de paix, roi réconciliateur, roi proche du peuple ou « Vert-galant »... et les peintres de la fin du XVIIIe siècle et des premières décennies du XIXe ont abondamment illustré les épisodes, réels ou inventés, du règne et de la vie du roi bourbon. Celui choisi par Nicolas-Antoine Taunay ne semble ainsi correspondre à aucune anecdote connue mais illustre à merveille, tant la fougue du brillant cavalier que fut Henri IV, que son goût pour le beau sexe ou les mésaventures dans lesquelles cette passion l'entraîna parfois.

Le roi revient d'une partie de chasse : à l'arrière-plan du tableau, près d'un grand arbre qui en encadre le côté gauche, s'affairent en effet cinq compagnons ou valets. On sent comme une effervescence dans ce petit groupe de personnages. L'un est déjà assis au pied de l'arbre pour enlever ses bottes ou soulager sa fatigue, l'autre sur le point de démonter de son cheval. L'un des chevaux est lourdement chargé, on y discerne des armes, peut-être le produit de la chasse. Des chiens s'activent près d'eux, difficilement retenus par un homme à pied. Mais ce groupe apparaît bien secondaire, presque en ombres chinoises, les visages à peine esquissés : l'acteur principal qui occupe le premier plan, c'est le roi Henri IV. Monté sur un cheval blanc qu'il fait caracoler avec adresse, il salue une dame de son chapeau surmonté d'un panache immaculé.  Son costume est soigné, malgré ses bottes de chasse en cuir : culottes et pourpoint gris sur lequel se détache le ruban bleu de l'ordre du Saint-Esprit, grand manteau rouge vermillon flottant dans le dos. Son salut empressé s'adresse à une belle dame blonde en robe de moire jaune. Elle est dressée, presque hiératique, au-dessus du roi, sur le balcon d'une vaste demeure dont on ne voit que la façade. La colonnade qui en orne le premier étage évoque presque un temple. De la main gauche elle tient la rambarde métallique, de la droite, tout en regardant le roi, elle désigne un bâtiment qui se trouve dans son dos. Il s'agit d'une église...

On connaît deux versions de plus petit format de ce tableau conservé dans nos collections, toutes deux actuellement dans des collections privées. L'une fut présentée en 1826 à Paris, accompagnée de ce commentaire : « Retour de chasse de Henri IV. Henri IV entouré de ses courtisans, salue Gabrielle qui est sur un balcon accompagnée de ses suivantes : - Enseignez-moi, belle dame, par où l'on peut entrer dans ce château ? - Seigneur, par la porte de l'église. Allusion au mariage, à sa conversion ». Si l'identification du personnage féminin a varié au XIXe siècle – on y a vu successivement Gabrielle d'Estrées ou Henriette d'Entragues -, le sens de la scène est très clair : le chemin du cœur, et du lit, de la dame devait obligatoirement passer par l'église. On sait qu'Henri IV n'hésita pas à promettre le mariage lorsqu'il s'agissait de conquérir une belle, au risque de mettre en danger la couronne. Et plus qu'à sa nécessaire conversion au catholicisme, il faut voir là une allusion à ses déboires sentimentaux engendrés par des promesses inconsidérées faites dans l'ardeur de la conquête amoureuse.

Taunay s'est intéressé à plusieurs reprises à l'histoire d'Henri IV : il présenta au second salon de 1789 une rencontre de Henri IV et Sully après la bataille d'Ivry et en 1804 un Henri IV et le paysan. Notre tableau est signé, mais n'est pas daté. Il a pu toutefois être établi qu'il a certainement été peint vers 1802, et qu'il appartint à la collection de Lucien Bonaparte, frère de Napoléon, grand amateur d'art, qui réunit un ensemble important de peinture et objets d'art antiques, aujourd'hui dispersé. Cette illustre appartenance donne encore plus de prix à ce beau tableau, tout imprégné encore de l'esprit du XVIIIe siècle.